Philippe Joffard Entrepreneur : "Les crises ont au moins un avantage, c'est que ça révèle les hommes"
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vor 5 Jahren
Dans “Journal de Bord d’un Patron, un entrepreneur dans
la crise”, Philippe Joffard, l’ancien dirigeant du groupe
Lafuma, fondé par sa famille et qu’il a dirigé pendant trente
ans et développé pour en faire un leader international dans le
sport et les loisirs de plein-air, raconte comment la vague née
de la crise financière de 2008 a secoué le groupe, le
conduisant en 2013 à en quitter la direction.
Fait rare dans un groupe familial, mais Philippe
Joffard en explique les dessous dans ce livre, les
trahisons, le rôle des banquiers, soutiens puis ennemis, les
retournements de situation, les partenaires et les clients, le
fonctionnement du conseil d’administration dans la tempête,
rarement nous avons eu de tels détails du fonctionnement
concret d’une entreprise.
J’avais eu l’occasion lorsqu’il dirigeait encore le groupe
d’interviewer Philippe Joffard sur la
stratégie de l’entreprise.
Dans ce long entretien, j’ai pris le temps d’échanger avec
Philippe Joffard sur cette expérience
extraordinaire qu’il a bien voulu partager.
L’interview de Philippe Joffard par Didier TESTOT
fondateur de la Web Tv www.labourseetlavie.com (Tous droits
réservés 2020)
Web TV www.labourseetlavie.com :
Philippe Joffard, bonjour.
Philippe Joffard : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : On va
parler avec vous du Journal de bord d’un patron, votre vie
comme entrepreneur dans la crise. C’est le sous-titre, donc on
va y revenir ensemble. Vous êtes l’ancien dirigeant de Lafuma,
société qu’on avait eu l’occasion sur la bourseetlavie.com,
bien sûr, de voir et de parler de stratégie ensemble il y a
quelques années maintenant. Dans ce journal de bord, vous
revenez sur cette période. Avant de revenir sur le déclencheur
de cette crise que vous avez vécue de l’intérieur, vous aviez
quand même réussi à faire de cette petite entreprise une
entreprise internationale.
Philippe Joffard : Oui parce
qu’on est parti d’une PME qui faisait un peu moins de 100
millions de francs en chiffre d’affaires, c’est-à-dire
15 millions en 1984 parce que j’en ai pris la direction
générale puis rapidement la présidence, une ETI assez
emblématique dans l’univers de l’outdoor, puisqu’on était
jusqu’à 270 millions d’euros de chiffre d’affaires ave
pratiquement 50 % d’international.
Web TV www.labourseetlavie.com : Cette
période-là quand même qui est la période de croissance, quels
sont les ressorts justement pour arriver ? On le sait, en
France, on parle beaucoup de ces sujets de PME qui ont
peut-être du mal à des ETI, de grandir à l’international. Ce
n’est pas facile pour une PME française. C’est quoi les clés
finalement pour essayer de réussir sur ce
chemin-là ?
Philippe Joffard : La première
clé, c’est quand même le plan, c’est-à-dire savoir ce qu’on
veut. Je suis arrivé à un moment un peu difficile pour ne pas
dire très difficile dans l’entreprise. Donc, la première action
que j’ai eue, ça a été l’innovation, enfin le développement de
nouveaux produits, de nouvelles lignes. J’ai élargi
l’offre de la marque Lafuma qui était une marque relativement
fortement connue. Donc le deuxième élément a été
l’international et le troisième la croissance externe. Mais à
partir du plan, l’innovation et nouveaux produits, nouvelles
lignes, l’international puisqu’on a misé sur l’international
dès le milieu des années quatre-vingts et avec une forte
présence en Asie et puis la croissance externe avec quatre
acquisitions, enfin plutôt mes quatre acquisitions en termes de
marque ont été majeurs. On a fait d’autres.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous
êtes dans ce secteur du textile et de la distribution, de la
grande distribution, mais également de cette production
industrielle dont on parle aujourd’hui avec la crise en Chine.
On sait qu’il y a une grande production en Chine, donc il a
fallu aussi s’adapter à ce marché, à votre marché. Vous étiez
une marque française, mais en termes de distribution, en termes
de fabrication, il a fallu gérer cette industrie textile.
Comment on fait cela ?
Philippe Joffard : Alors, Lafuma
était textile. On a été parmi les premiers à gérer les
délocalisations et parmi les premiers aussi à réenvisager des
réinternalisations, une relocalisation. Je m’explique. Donc, on
est parti en Tunisie, puis après au Maroc, puis en Hongrie
lorsqu’il y a eu la première guerre du Golfe qui correspondait
d’ailleurs à l’ouverture des pays d’Europe centrale et dès la
deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, on est allé en
Chine. On y était déjà par l’intermédiaire de notre filiale de
Hong Kong qui avait une double vocation, commerciale et
sourcing, et on a ouvert une usine à Nanjing. Donc, j’ai bien
vécu la croissance de la Chine qui est partie de rien dans le
PIB mondial au début des années quatre-vingt-dix. Maintenant,
on sait que c’est 16 %. J’ai toujours pensé qu’il
allait y avoir une relocalisation pour des raisons très simples
qui étaient la capacité que nous avions via l’innovation, via
d’ailleurs l’automatisation à avoir des produits dans lesquels
la main d’œuvre ou alors à ce moment-là notre valeur ajoutée
innovation faisait la différence avec la Chine. On va
parler d’ailleurs d’expériences que j’ai eues depuis mon départ
de Lafuma et qui montrent que c’est possible. Je vais vous
donner un exemple chez Lafuma. Le sac à dos avait été
entièrement délocalisé, dans un premier temps en Tunisie puis
après en Chine pour des raisons de coûts de main d’œuvre.
Inversement le mobilier de camping qui fait maintenant
50 M€ sur ce qui reste de Lafuma malheureusement parce que
c’est le seul truc qui grosso modo a bien tenu, 100 % est fait
en France et c’est la meilleure rentabilité du groupe avec 14 à
15 % d’EBITDA. Donc, c’est la preuve qu’un groupe peut se
développer, ce qui a été mon cas – on reviendra peut-être sur
la situation de Lafuma aujourd’hui – peut se développer en
étant fortement présent à l’international pour produire et en
même temps en gardant une forte présence en France pour
fabriquer dans des conditions. Leur produit est fondu
absolument partout dans le monde, puisque la part française est
minoritaire dans la vente du mobilier de camping.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui,
on retrouve ce sujet innovation au cœur finalement et on le
sait pour beaucoup de PME. Si on est sur du moyen de gamme, bas
de gamme n’en parlons pas, mais même du moyen de gamme, ça ne
suffit pas dans la durée. Effectivement, puisque la Chine aussi
monte en gamme. Je discute avec certains acteurs qui sont dans
cette industrie-là, qui vendent des robots de découpe par
exemple, et la société Lectra pour ne pas la nommer qui dit
« on voit l’industrie chinoise qui est en train de monter
en gamme aussi. »
Philippe Joffard : Moi, j’ai
vraiment vu la Chine passer de l’usine du monde au magasin du
monde. Ça reste encore l’usine du monde même si le problème du
Coronavirus fragilise considérablement cela. Je pense que
l’usine du monde est en train de se rééquilibrer selon la
géographie. En revanche, le magasin du monde, ça veut
dire à la fois le retail le plus innovant et le consommateur le
plus exigeant, il est aujourd’hui en Chine. Si vous
regardez le retail, les meilleures idées sont en Chine et le
consommateur qui est le plus ouvert à l’innovation, le plus
ouvert aux nouvelles tendances, c’est le consommateur chinois.
Et ça, en une génération et demie. Pour ne pas dire une seule
génération.
Web TV www.labourseetlavie.com :
Justement, on entend parler avec ce Coronavirus de sujets de
réindustrialiser, de faire revenir des industries en France,
est-ce que c’est possible et qu’est-ce qu’il manque pour qu’on
retrouve ce dynamisme d’industrie qu’on a eu ?
Philippe Joffard : C’est possible.
C’est non seulement possible, mais nécessaire. Tout est en
place. La question, c’est uniquement une question de volonté.
C’est-à-dire qu’aujourd’hui la plupart du temps, on a les
matières premières, nous avons les machines. En revanche, la
capacité à mettre en œuvre ça, c’est-à-dire à faire en sorte de
sortir les produits qui seront compétitifs dans une fabrication
pas seulement française, mais européenne, c’est beaucoup plus
paradoxalement les Chinois qui l’ont. Parce qu’eux ont
une capacité à penser l’avenir qui est beaucoup plus rapide et
efficace que nous l’avons. Donc, c’est une question de
volonté. On a un temps court, mais rien que ça, cela vaudrait
une interview. Je vous donnerai deux exemples que j’ai vécus
récemment puisque j’ai dirigé un groupe de puériculture dans
lequel j’ai rapatrié un produit qui était fabriqué en 25
minutes en Chine, qui est fabriqué en 10 minutes en France et
le nombre de pièces a été divisé par trois et à ce moment-là,
si vous prenez chacune de ces pièces, c’est de l’acier, du
plastique et globalement ça coûte le même prix partout. Et donc
tout cela est écrasé par le prix du transport, donc c’est mieux
en Europe. Et pour les Chinois, en revanche, c’est beaucoup
mieux d’acheter sur ce type de produit une signature made in
France. Donc, c’est possible.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui,
c’est possible. Il y a une organisation, un savoir-faire quand
même. Alors, si on revient sur Le journal de bord d’un patron,
votre ouvrage, il y a quand même cette crise de Lehman Brothers
bien sûr, la faillite de Lehman Brothers, ce choc mondial.
C’est vrai qu’il y a peu d’entreprises qui l’ont anticipé.
C’était difficile. Il y avait peut-être des signaux faibles. On
parle de ça des fois sur les marchés financiers. Quand c’est
arrivé, qu’est-ce qui a changé pour vous finalement ?
Parce que vous parlez dans le livre à la fois de
l’actionnariat, il y avait un actionnariat familial, mais il y
avait aussi d’autres actionnaires, de vos relations avec les
banques quand arrive cette crise, mais vous parlez aussi de
l’interne en disant que finalement l’interne ne croyait pas
trop aux conséquences de cette crise.
Philippe Joffard : Oui, enfin
d’abord parce que généralement les dirigeants protègent son
management. Pour une raison très simple d’ailleurs, parce que
ce n’est pas eux qui vont forcément régler le problème, ils
vont être dans l’action et il faut qu’ils soient totalement
dans les opérations. Donc, pourquoi les embêter avec des
problèmes qui sont généralement des problèmes bancaires de
financement, etc. ? Il faut mettre la pression sur le BFR,
sur la rentabilité, sur la rapidité à transformer les choses,
etc., et en étant protégés, ils ont forcément un peu une part
d’inconscience par rapport aux risques que peut courir
l’entreprise. La particularité de Lafuma, c’est que nous avions
fait une acquisition juste avant. C’est-à-dire qu’on a racheté
Eider en juin 2008. Et nous avions la particularité, vous vous
en souvenez Didier, on clôturait nos comptes fin septembre.
Donc, on a été la première ou parmi les premières
entreprises cotées en bourse qui n’ont pas respecté un covenant
bancaire quelques semaines voire quelques jours après la
faillite de Lehman Brothers, donc le monde était à feu
et à sang. Bien évidemment on s’est pris plein pot une
négociation qui était une négociation relativement, je ne vais
pas dire classique et facile, mais on manquait un covenant, on
en avait deux, on en a respecté un, on en manque un, ça
s’arrange. Mais là ça a été beaucoup plus compliqué avec le
quid de l’arrêté comptable, machin, qu’est-ce qu’on fait de la
dette. Bref, toute une histoire qui fait que pendant trois
mois, plus de trois mois, mais globalement les trois premiers
mois ont été particulièrement pénibles. Les six mois après, ça
a été un peu plus constructif si je puis dire parce qu’on avait
mis en place les solutions, mais je veux dire que ça a été… et
c’est ce que je raconte. Je ne vais pas vous dire que je
l’avais anticipé, pas du tout, puisque le journal commence en
décembre 2007. Je savais qu’on allait vivre une période
particulière, mais ça n’empêchait pas que je considérais que la
vitesse était majeure, que ce soit dans le développement et
éventuellement dans la réorganisation. Donc, quand
j’ai écrit ce livre, parce que je voulais pratiquement tous les
jours, ce n’est pas tous les jours, mais enfin avoir un
rendez-vous avec moi-même pour noter ce qui se passait. Puisque
j’avais souvent constaté que soi-même on pouvait changer
d’avis. Donc, c’est important de se relire, etc. C’est ce livre
qui court sur un an et des poussières et puis après il y a
d’autres épisodes qui sont postérieurs à cette période.
Web TV www.labourseetlavie.com :
Justement entre l’actionnariat parce que finalement c’est
Lafuma entreprise familiale, 25 % du capital, on se dit en
général les entreprises familiales, ça ne se passe pas trop
mal, sauf exception. Il arrive qu’il y a des sujets aussi dans
les entreprises familiales. Il y a eu des entreprises avec des
actionnaires, il y a eu des sujets avec les banques, donc il y
a des banques qui dans cette période-là n’ont pas joué le jeu,
c’est-à-dire d’accompagner l’entreprise, qui pourraient être
des banques historiques ?
Philippe Joffard : On avait un
pool de banques classiquement les banques entre elles, c’est la
famille Adams. Si on devait clairement, même parfois au sein
d’un même groupe bancaire, il peut y avoir des tensions qui
sont importantes. La période était tellement particulière que
j’ai eu quelques banques que je cite, dont une bien connue, qui
ont été particulièrement et inutilement agressive. Il y avait
d’ailleurs un paradoxe qui faisait que toutes les… je serai
tenté de dire, on avait fait une ...
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